lundi 27 avril 2009

L’intimidation…une plaie dans nos écoles depuis des décennies?

On a parlé abondamment de l’intimidation à l’école, depuis qu’après la disparition du jeune David Fortin, originaire du Lac St-Jean, on ait mis le doigt sur le bobo. Par la suite, tous ont pointé la situation qu’on a jugé être le déclencheur: le jeune était victime d’intimidation. Par la suite, dans les lignes ouvertes, ou la parole était laissée à l’auditoire, quelle ne fut pas ma surprise de constater que des intimidateurs, après avoir pris connaissance de la souffrance que l’intimidation pouvait causer, se sentaient coupable au point de demander pardon après plusieurs années. Vous me direz que si quelque chose a pu ressortir du malheur de ce jeune, c’est tant mieux! Je vous répondrai au nom de toutes ceux et celles qui ont été victimes de harcèlement et d’intimidation que ce jeune n’est qu’un parmi des milliers et qu’il serait impossible d’arriver à établir des statistiques sur le nombre d’enfants qui ont posé des gestes regrettables dont la raison découle d’un tourment. Aujourd’hui, dans les écoles, il semblerait que les professeurs tendent à pelleter le problème sur les épaules des techniciennes en éducation spécialisées (TES) qui ont comme mandat, entre autres, d’intervenir et de régler les conflits entre les élèves. Comme il semble exister trois classes d’élèves, les bourreaux, les victimes et les neutres (ceux et celles qui n’osent pas s’en mêler de peur de se retrouver dans la deuxième classe), il semblerait qu’il existe donc une loi du silence. Les jeunes en parleront rarement aux parents pour toutes sortes de raisons, entre autres, la peur de leur réaction. Le jeune sait que les parents n’ont pas beaucoup de marge de manœuvre et s’ils s’en mêlent, la situation risque d’empirer.

Je m'étais promis de ne vous parler que de sujets légers les lundis matins! Mais voici que, depuis une semaine, plusieurs indications se pointent pour confirmer que Cornelius en serait une victime. Je suis très bien placée pour savoir ce que c’est puisque je l'ai vécu personnellement. Les deux premières étapes de Cornélius à l’école semblaient se dérouler assez bien. Voilà qu’il est en échec. Pourtant, je n'ai reçu aucun appel de professeurs indiquant qu’il avait cessé de faire des efforts. La semaine dernière, j'ai bien tenté de parler à Cornélius de ses notes, des conséquences que ça implique. Mais, depuis quelque temps, Cornélius est agressif. N’importe quel parent aurait mis ça sur le compte de l’adolescence, mais voilà qu’un ami de Cornélius, venu dîner à la maison la semaine dernière, parle de l’attitude des autres élèves qui ne respectent pas Cornélius et dont les traitements feraient perdre patience au Dalaï-Lama! Cornélius semblait un peu contrarié des propos de son ami, me connaissant très bien et sachant que j'aurais voulu en savoir plus. Pour en avoir le cœur net et confirmer le tout, je suis allée consulter les historiques des conversations de MSN sur l’explorateur Windows (un autre sujet sur l’éthique pourrait être soulevé ici, mais vu qu’il s’agit de mon ordinateur, j'ai décidé qu’il valait mieux savoir). Voilà que les conversations m’apprennent qu’il y a eu une bataille dans les corridors la semaine dernière et les propos des amies sont loin d’être flatteurs pour Cornélius (les qualificatifs de tapette, de «naz» et d’idiot y étaient présents).

Alors, mon lundi matin a été ponctué d’appels de la part des professeurs de Cornélius. On lui dit qu’il n’a pas fait les efforts nécessaires, que les travaux qui ont été remis ne sont pas à la hauteur de ce que Cornélius est capable de faire et qu’il a les notes qu’il mérite. Je ne suis pas au téléphone pour qu’on lui octroie des notes que Cornélius ne mérite pas. Mais (bâtard! Juron que j’ai dit dans ma tête), Cornélius n’a que treize ans, quelqu’un aurait-il pu me prévenir dès que son attitude a commencé à changer? À la maison, il y a eu un changement que j'ai mis sur le compte de la crise d’adolescence. Une agressivité en est certes un symptôme. Mais «madame», me dit-on, «il n’a pas le moindre comportement agressif à l’école»! Bien sur que non, c’est un enfant sensible qui n’a pas confiance en lui, il ne prendra jamais le risque de se mettre un professeur à dos! Au contraire, il semble souffrir de la maladie de vouloir se faire aimer à tout prix et il a une peur morbide de déplaire (quelques-unes des conséquences qu’a l’intimidation sur un jeune). À la maison, par contre, il peut laisser sortir l’agressivité car il sait qu’il sera aimé peu importe sa manière d’agir.

Après coup, avec la maturité, j'ai essayé de mettre le doigt sur la raison de l’intimidation. J'ai étudié ce sujet dans le cadre de mon cours en Intervention psychosociale. J'ai même, avec une équipe dans le cadre d’un cours d’intégration, choisi de donner une conférence dans une école réputée pour sa violence, de Montréal-Nord. Résultat, sur une polyvalente au complet, deux parents s’y sont présentés, ce qui a confirmé l’indifférence des adultes. La seule chose que j'ai comprise c’est que ce phénomène arrive à des enfants qui sont différents. Ce n’est pas toujours une différence de gabarit ou d’image. C’est en général et je dirais même que c’est presque intuitif le choix de celui qui en sera victime. Mais c’est toujours perpétré par des enfants qui se pensent meilleurs que les autres. C’est le syndrome du bourreau et de la victime, des contraires qui s’attirent.

Voici que le cauchemar qui s’est produit dans mon enfance se répète. Je dirais même que c’est encore pire sur les émotions d’une mère qui a eu l’expérience de toute la douleur de ce que peut avoir été cette période. C’est encore plus douloureux de voir que plusieurs décennies ont passé et que rien n’a changé. Les humains ne semblent pas évoluer à la même vitesse que la technologie. On a même compartimenté les responsabilités qui font, qu’au bout du compte, les adultes ne se sentent pas concernés. J’ai parlé de la réforme comme d’une raison de décrochage. Mais je soupçonne qu’un grand pourcentage de décrochage peut être la responsabilité d’un écœurement aigu d’être la victime de tous ces égocentriques pour qui l’intelligence émotionnelle ne faisait pas partie des qualificatifs qui peuvent leur être octroyés. Ne me demandez pas de pardonner à ces bourreaux…qu’ils vivent avec le mal qu’ils ont causé. C’était à eux d’être plus conscients de leur agissement. Quoi qu’il en soit, il y a des parents très inquiets qui attendent le retour de leur enfant. J’ai laissé une photo, au cas où…on ne sait jamais. Mais surtout, j’écris cette chronique en espérant que mes mots se rendent droit au cœur de ceux et celles qui ne se sentent pas concernés par le problème. Nous sommes tous concernés car, peu importe la forme de violence dont sont victimes nos enfants, cela change leur manière d’être et les empêche d’être complètement eux-mêmes et de déployer tout leur potentiel.

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