lundi 20 avril 2009

Les blues du lundi matin

Laurence Jalbert me fredonne cet air familier dans sa chanson « Après le squall » qui s’imprègne dans les racoins de mon existence ce lundi matin…

« Pour les matins où j’me sens comme un rien qu’le vent tient par la main. »

C’est l’hymne national des lundis matins de Jane depuis ce qui lui semble des lunes. Voyez-vous, je souffre du « spleen » du lundi matin, ou après une fin de semaine d’activités joyeuses, de célébrations et de repos en famille, je me retrouve dans une maison qui reflète justement ce plaisir, dont les autres membres ont quitté pour vaguer à leurs occupations d’études et de travail. Je reste seule à contempler le travail de maison à effectuer. Tout est à recommencer, ménage, lavage, repas, épicerie….tout! Il ne me reste qu’un léger souvenir de l’activité qui s’y déroulait du temps où je travaillais à un travail rémunéré. Si l’idée de génie me prend de mettre les comptes à jour ce lundi matin, le « spleen » en est encore plus profond. C’est la danse de la comptabilité ou la créativité seule permet de couper une cenne en quatre pour arriver à faire balancer un budget. On ne se le cachera pas, un foyer qui ne compte que sur un seul salaire est limité. Comme je n’ai jamais été une femme d’intérieur parfaite, je me contente de faire de mon mieux, sans me juger trop sévèrement. Je suis la responsable d’avoir pris la décision de m’occuper moi-même de ceux qui m’étaient les plus chers au monde. Suis-je prête à tout laisser tomber? Bien qu’il n’y ait aucun mal à dénoncer une situation qui ne convient plus, je suis tout de même dans une impasse où le métier que j’exerçais, même si je me suis maintenue à jour avec mes connaissances en informatique, ne me convient plus. Il est difficile, en entrevue, de vendre la décision d’avoir choisi la famille avant la carrière. On dirait que les employeurs s’en méfie. Peut-être croient-ils qu’au moindre appel, l’employée quittera ses fonctions pour venir au secours du membre en détresse. Ils n’ont pas tort car en cas d’urgence, je n’en connais pas beaucoup, même si elles sont en service depuis des années, qui ne le feront pas.

On me somme depuis très longtemps d’écrire. Les « On » sont nombreux parmi des connaissances, des amis et même des inconnus. Cet hymne au lundi matin de Laurence Jalbert est une douce mélodie qui fait du bien à mon âme. Elle berce mon courage d’être moi-même. Je me rends compte que parmi tant de femmes, celles qui ont le courage d’admettre qu’il existe en notre for intérieur un gouffre qui fait surgir un syndrome de l’imposteur aussitôt que l’on sort de notre zone de confort, sont peu nombreuses. Ce matin, je dénonce toute cette culpabilité transmise au fil du temps par nos ancêtres féminins, féministes même, par la société, par la religion et par l’évolution. Si en 2009 subsiste un malaise d’être soi-même, quand me direz-vous serons-nous en mesure de nous en débarrasser si ce n’est pas maintenant? Il semble exister une sorte de combat entre les femmes qui travaillent à l’extérieur du foyer, et celles qui ont choisi de mettre en veilleuse une carrière pour faire le métier le plus difficile au monde, mère à temps plein. Jane a eu une mère qui s’est sentie obligée de faire ce qu’on attendait d’elle, prendre soins de ses enfants et de son mari. Le problème est l’amertume qu’elle a ressentie tout au long de sa vie. Elle a très bien pris soin du quotidien, mais n’a pas eu la capacité de donner le surplus, soit l’affection, l’écoute et l’appui. Elle s’est réfugiée dans un mutisme profond et a choisi un rôle de victime pour attirer l’attention. Elle n’a pu faire autrement que de refléter ses propres peurs, celle de manquer d’argent, d’être confinée. Parfois, même, a-t-elle transmis sa frustration à ses proches. Son regard sur la vie a été ainsi contaminé et a contaminé avec ses conseils empreints d'interdits et de peurs. En ces temps, il semblait exister toute sorte de non dits qui empêchaient d’être soi-même et d’aspirer au bonheur.

Avec un tel bagage, comment faire la part des choses? Si, rendu à l’âge adulte et lorsqu’on a acquis une certaine maturité, on ne se donne pas le droit d’être ce que l’on est sans ressentir une dose de culpabilité face à celles qui ne l’ont pas eu aussi facile que nous, aussi bien dire qu’on va traîner nos « bibittes » encore un bon bout de temps. Car la société change à la vitesse de l’éclair, mais il semble que les problèmes profonds restent les mêmes, où s’en développe de nouveaux pour s’adapter à une nouvelle réalité. On se lance à corps perdu dans ce qui a manqué, sans réfléchir au juste milieu.

La seule consolation que Jane a c’est lors d’une tempête de neige où la chaleur de sa chaumière est plus invitante que le travail à effectuer car je m’offre le droit de détester l’hiver farouchement, tant pis pour ceux et celles qui aiment ces sports qu’on ne peut pratiquer que dans la neige! Mon plaisir est parcimonieux puisqu'il est plutôt rare de voir une tempête de neige s’abattre les lundis matins. Mais vous pouvez m’imaginer en pyjama chaud, une tasse de café à la main, espionner ceux et celles qui n’ont pas le choix de sortir et d’affronter l’hiver pour aller au travail. Rien que d’y penser me redonne le courage d’aller étendre sur la corde à linge ma brassée de lavage!

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire