jeudi 8 octobre 2009

Retour aux études : Est-ce que ce sera payant?


Lors d’une conversation récente où l’éternelle question est revenue sur le tapis «Que faites-vous dans la vie?». Après un malaise palpable, un silence et des sourires de gêne puisqu’à la table nous étions deux, moi et une personne à la retraite. C’était en plein milieu de notre cours de rédaction. C’était un retour sur les bancs d’école pour moi, mais pour ma compagne de table, l’école ne l’a jamais quittée et elle n’a jamais quitté l’école, même si en tant qu’enseignante à la retraite elle a choisi de poursuivre dans une voie qui la passionne tout autant que moi. Ma compagne de table, que je surnommerai Béatrice, n’a pas su quoi répondre, pas plus que moi-même. Question existentielle, mais pour vous mettre en contexte, la personne qui l’a posée est «celle-qui-a-tout-fait-les-métiers-pertinents, qui-connait-déjà-tout-le-contenu-du-cours-et-qui-a-une-opinion-sur-à-peu-près-tout-ce-que-le-professeur-dit». On m’a dit qu’il y en avait une comme ça dans chaque classe. Enfin, pour moi qui cherche encore ma voie, cette question m’a précipitée dans une crise existentielle. Bien oui, qui suis-je, que fais-je, ou vais-je? En fait…je suis ce que je suis, je ne fais rien et je ne sais pas où je vais! Voilà une partie de la vérité!

Pour faire un intermède dans un texte sérieux, j’ai envie de vous raconter qu’au cours de la semaine j’ai posé cette question à un ami de Cornélius : «au fait, ils font quoi comme métier tes parents?». Deux beaux grands yeux bleus se sont ouverts à leur pleine capacité et la réponse que j’ai reçue en retour d’une question aussi complexe était : «heu, mon père travaille dans les assurances. Ma mère…heu…à part courir…elle ne fait rien.». Il m’a fallu creuser pour savoir que le «courir» de sa mère était en fait une session de jogging tous les matins (enfin une qui a compris que la santé passe par l’action, a réussi à intégrer une plage de temps pour soi-même dans son horaire et a la motivation assez forte pour se botter le derrière! Tout à son honneur de se placer en premier). Quant au rien, c’est qu’elle ne travaille pas à l’extérieur du foyer, donc est présente. Mais paraît-il qu’elle ne fait pas de ménage puisqu’elle «oblige» ses deux enfants à faire leur part (méchante mère! Disons que si je n’avais pas gratté encore plus en profondeur, j’étais prête à dénoncer à la DPJ!). Ma réponse fût une interrogation. «Oui, mais lorsque tu viens ici, tu es toujours propre, elle doit bien laver de temps en temps, non? Tu as toujours un bon lunch, elle doit bien cuisiner?» «Ça oui, elle lave et elle cuisine, mais c’est mon père qui prépare mes lunchs.» poursuivit-il comme pour justifier sa réponse. Je suis donc bien sarcastique quand j’en parle parce que l’attitude de ce garçon n’est probablement pas différente des autres enfants. Nos enfants prennent-ils tous pour acquis une présence dans la maison?

Poursuivons-donc avec «madame-qui-prétend-s’intéresser-mais-veut-seulement-se-faire-voir». Quand j’ai donné ma réponse c’était plus pour me débarrasser d’elle, mais vous devinerez que le contraire fût le cas. «En fait, à part étudier ici, je ne fais rien!» fût ma réponse sous le regard abasourdi de Béatrice qui n’avait pas compris le sarcasme dans ma réponse. La conversation s’est poursuivie au «je» et au «moi» pendant le reste de la pause et en cinq minutes nous savions à qui nous avions affaire. Inutile de vouloir lui montrer quoi que ce soit, elle savait tout! C’est vraiment rassurant de la savoir présente au cas où nous serions dans l’impossibilité de comprendre la matière!

Personnellement, ces mercredis sont tellement enrichissants et je m’étonne moi-même de la satisfaction que ces trois heures de cours me procurent. Non seulement apprenons-nous à analyser des textes pour trouver le plan de l’auteur, mais à y détecter des erreurs «tics littéraires» comme notre professeur, M. Leblanc, les a surnommés. M. Leblanc, dans un contexte très technique puisque, faute d’un manque d’élève, le cours se donne en simultané sur vidéo conférence au campus de Joliette et de Drummondville. Le professeur est présent une semaine dans une classe et une autre dans l’autre. Nous devons donc tous nous adapter à une nouvelle technologie et compte tenu de son âge, je suis en admiration devant sa capacité d’adaptation (je dis ça sans aucune prétention en connaissant fort bien les difficultés d’adaptation d’une personne qui n’est pas née à l’époque de ces technologies). Pour moi, que les mots passionnent, c’est un moment délectable qui passe rapidement.

Vous ne voyez toujours pas le lien avec ce texte et son titre ? «Est-ce que ce sera payant?» fut une autre question posée par une personne bienveillante au nom d’innombrables âmes qui sont concernées par le fait que «je ne fasse rien des nombreux talents dont j’ai hérité!» et qui se sentent trop gênées pour m’en parler directement. Autant de préjugés restent encore à surmonter en 2009!

Existe-t-il un âge pour poursuivre un talent? Existe-t-il un âge pour l’exploiter et espérer en vivre? Existe-t-il un âge pour rêver, pour poursuivre ses rêves et pour les atteindre? À partir du moment où le chemin qui se pointe à l’horizon est inspirant, plaisant et nourrit l’âme, que peut-on demander de plus? Me coucher le soir avec un peu plus de connaissances que la veille me procure une sensation d’accomplissement.

Pis pour votre information, ces dix ans que j’ai consacrés au bien-être de ce que j’ai fait de plus important dans ma vie, je n’arrive pas à les rentrer dans le cadre d’un curriculum vitae qui ne contient que deux pages. Les expériences dans le domaine de la santé en soignant les petits bobos quotidiens, de l’éducation en accompagnant ces enfants à travers une réforme mal préparée, de la psychologie en écoutant , conseillant et accompagnant chaque enfant dans les problèmes relationnels, du droit en les défendant contre des adultes bien pensants, de conseiller pédagogique en les encourageant à poursuivre dans la voie de leur talent, de conductrice, de cuisinière et diététiste, de blanchisseuse, de décoratrice d’intérieur, de femme de ménage, de préposée à l’aide aux devoirs, de styliste (et j’ai réussi car aucun de mes singes ne portent de fond de culotte aux genoux), de diplomatie et surtout dans la direction d’un zoo! Et ces fonctions ne m’ont rapporté que des becs et des câlins de reconnaissance à la fête des mères, une paye qui ne s’achète pas!

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