vendredi 22 janvier 2010

Je ne trouve pas de mot pour produire un titre

Je ne sais pas pour vous, mais lorsqu’il arrive des catastrophes impliquant des êtres humains je ressens une profonde peine à l’intérieur. Cela se compare à la sensation de la fois des tours du World Trade Center à New York que j’ai vu tomber en direct. C’était le début de la fin de l’innocence. Un appel de Tarzan le matin du 11 septembre, une date inoubliable, pour m’avertir d’ouvrir la télé, qu’il semblait se passer quelque chose à New York, m’avait fait sortir des mes habitudes de ne jamais ouvrir la télé dans la journée. Ce sont des visions apocalyptiques présentées devant mes yeux. «Un avion, m’avait -il dit, a percuté un édifice de New York», sans me donner plus de détail. C’est une première tour que j’ai vu tomber. Des images qui resteront gravées à jamais dans ma mémoire, qui ont planté un poignard et marqué au fer rouge à mon cœur de mère. C’était irréel. J’ai été prise d’un sentiment de culpabilité. Qu’avais-je fait? C’était bien égoïste de ma part de donner naissance à deux enfants dans un monde où la vie humaine ne veut plus rien dire. Mes enfants étaient bien innocemment à l’école et moi j’étais assise devant la télé, à même le sol à pleurer devant la fragilité de la vie. La souffrance était tellement grande et il m’était impossible de croire à cette réalité due à la bêtise humaine. Est-ce qu’une guerre de pouvoir valait des vies humaines? L’éducation de mon enfance revenait à ma mémoire. «Celui qui cède est toujours le plus intelligent» ai-je souvent entendu. Des citations comme celle-là, il faut en prendre et en laisser. Mais c’est une autre histoire.

On en a vu d’autres catastrophes depuis. On dirait même qu’elles se succèdent. Mais je ne m’habituerai jamais à voir souffrir les humains. Si je vous parle de souffrance, c’est qu’il m’a été impossible d’expliquer à qui que ce soit la profondeur de ma peine. Les images d’Haïti nous proviennent presque en direct depuis une semaine déjà. Ces gens-là sont dans la grosse misère. Nous sommes ici et la vie continue son parcours. Mais dans les conversations, n’avez-vous pas, comme moi, rencontré quelqu’un qui vous a dit qu’ici nous ne devions pas nous plaindre? Moi oui, suite à une banale critique contre dame nature à cause du redoux des derniers temps qui a détruit les belles patinoires extérieures que Cheetah et Cornélius fréquentent. Nos hivers ne sont plus ce qu’ils étaient et je me désole de voir qu’il est impossible de vivre un hiver, tels les hivers de notre enfance. Assez anodin, me direz-vous? Là où je veux en venir, c’est que ces propos m’ont directement fait penser à ma jeunesse où nous entendions à toutes les sauces l’expression « finis ton assiette, il y a des petits Biafra qui n’ont rien à manger et qui aimeraient sans doute la finir ton assiette!». Que de culpabilité à porter pour un enfant! Le problème, c’est que ces propos ne m’auront appris qu’à oublier d’écouter ma faim et à manger les portions servies et évaluées par quelqu’un d’autre, mais au fond n’auront jamais changé quoi que ce soit. Que faire d’autre que d’enseigner aux enfants à prendre conscience de l’importance d’éviter le gaspillage et d’utiliser seulement ce qui leur est nécessaire. Mon travail est celui de mère avec tout ce que ça implique et avec aussi ses limites.
Alors, comment expliquer que les images que je vois me rendent triste? Je me sens bien impuissante avec mon petit don à la Croix Rouge. Je n’ai pas d’explication, ni théorique, ni pratique, ni théologique à ce qui se passe dans le monde. Mais je ressens l’énergie de toutes ces âmes qui ont quitté abruptement cette dimension. Je suis de tout cœur avec ceux qui restent et qui ont tout perdu et je refuse d’émettre le moindre jugement sur la situation. On entend des critiques de toutes parts, on voit des miracles et on y voit la misère et des comportements presque inhumains, quasi bestiaux. Même là, je refuse de juger, car je sais que je saurais me transformer en lionne à l’idée de regarder mes enfants manquer d’eau et de nourriture au point d’en mourir. Alors, la seule chose que je puisse faire est de prier et de garder la foi en quelque chose de plus grand que nous. Je sais, cela a l’air insignifiant de dire ça comme ça.

Samedi dernier, nous avons honoré les billets pour le match du Canadien que nous avions gagnés dans un tirage. Je trouvais irréel d’être dans une ambiance de fête, alors qu’ailleurs dans le monde, il y en a qui vont mourir par manque d’eau et de victuailles. Même que pendant que nous serons concentrés sur Haïti, d’autres humains innocents meurent chaque jour au Darfour, en Afghanistan et ailleurs. Une loterie à deux dollars dont les profits allaient à la Croix Rouge n’a pas suffi à m’apaiser. Mais la vie continue et je la sens encore plus précieuse que la semaine dernière. Du moins, la conscience un peu plus ouverte pour en jouir, car elle passe tout de même rapidement et ne tient qu’à un fil. Je suis consciente de la chance qu’on a. Je félicite ceux et celles qui auront la possibilité, mais surtout le courage d’aller aider à nourrir, soigner et rebâtir sur le terrain. Dans la souffrance, il n’y a plus de couleurs et de frontières qui tiennent, il n’y a que de la compassion.

Je n’ai pas trouvé de titre à ce billet. Vous n’aurez pas d’images non plus. Que mes mots de compassion et mon amour à mes frères et sœurs humains.
Et le lien pour faire un don à la Croix Rouge.

https://secure.e2rm.com/registrant/donate.aspx?EventID=43167&LangPref=fr-CA

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